Julien Blanc-Gras, Paradis (Avant liquidation) (2013)

Le récit de voyage est un de mes genres préférés et découvrir des territoires mal connus ou oubliés est toujours un vrai plaisir. Aujourd’hui, direction les îles Kiribati en Océanie ! Anciennement appelées « Îles Gilbert », ces îles représentent l’équivalent d’un département français en superficie mais couvrent un territoire équivalent à l’Inde. Les îles Kiribati sont menacées par la montée des eaux et pourraient disparaître dans un futur proche. Pourtant, elles sont peuplées depuis plus de 3000 ans : des pêcheurs d’Indonésie ont vogué loin de leurs terres et sont arrivés sur ces îles. Une mythologie locale y est née, selon laquelle Nareau, un dieu-araignée doué de facultés humaines a créé le monde. Nareau a séparé la Terre et le Ciel, a inventé les points cardinaux et la lumière. Un autre Nareau, Nareau le Sage, tue son père et lui arrache les yeux. Il jette l’oeil droit dans le ciel, le soleil né, et avec l’oeil gauche, il fait naître la lune. Le cadavre sert à créer les vents et les îles et les intestins créent les humains. Baretoka, un esprit, migre en pirogue et crée une terre qui va s’appeler Tarawa.

Tout au long de son récit, Julien Blanc-Gras fait parler les habitants. Il explique notamment que ses derniers sont inquiets de la montée des eaux et réfléchissent à migrer sur d’autres terres : îles Fidji, Australie, Nouvelle-Zélande… Il décrit aussi la grande pauvreté des habitants avec un hôpital à la limite de la vétusté et des difficultés en termes de santé publique avec une forte consommation d’alcool et de tabac. Il raconte que cette île a priori paradisiaque est tellement pauvre que les plages sont un déchet à ciel ouvert. Le réseau Internet est très mauvais et la télévision nationale diffuse essentiellement CNN. Pour autant, il explique que les habitants ne se plaignent pas, sont solidaires entre eux, extrêmement respectueux et inquiets pour leur avenir. L’auteur veut également marcher sur les pas de Stevenson qui est passé par ces îles dans son voyage Dans les mers du sud et les habitants le taquinent en lui faisant croire que l’une des îles est un bordel géant. En fait, l’anthropologue Margaret Mead avait déduit cela dans une étude consacrée à la Micronésie alors que les habitants lui racontaient n’importe quoi.

Teinté d’humour, ce livre nous invite à être attentif aux dangers du réchauffement climatique et à l’injustice qui touche les habitants qui n’émettent aucun gaz à effet de serre puisque les îles ne sont absolument pas industrialisées. Paru en 2013, il est encore plus actuel aujourd’hui.

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